Au moment où le "produire en France" revient au centre des thèmes de la campagne pour l'élection présidentielle, l'inauguration de la nouvelle usine de Renault à Tanger au Maroc, suscite de vives réactions, d'autant plus que l'Etat, avec 15% des parts du capital, est le premier actionnaire du constructeur automobile !...
«Renault part désormais réaliser du dumping social au Maroc pour produire des voitures low cost destinées à l'Europe et à la France (avec un salaire de 240 euros par mois), une stratégie que l'Etat actionnaire ne peut ignorer, malgré les protestations effarouchées de certains anciens ministres de l'Industrie», a jugé M. Le Roux, porte-parole de François Hollande
[AU SÉNAT] : Extrait de la séance du 9 février 2012
Mme Éliane Assassi : Nous allons donc débattre ce matin de la situation de la filière industrielle automobile, sujet extrêmement important et ô combien d'actualité. Ce débat intéresse les Français, car les enjeux sont cruciaux, en termes tant d'emploi que de stratégie industrielle. Or le ministre de l'industrie, M. Éric Besson, n'est pas présent parmi nous ! Sans doute se trouve-t-il à Tanger, avec les patrons de Renault, pour vendre notre patrimoine à prix low cost…[...]
Au-delà, néanmoins, nous n'oublions pas qu'en réalité c'est l'industrie dans sa globalité qui est aujourd'hui sacrifiée par les politiques libérales conduites dans le monde, en Europe et en France. Ces politiques accompagnent les stratégies des grands groupes, axées sur la rémunération des actionnaires au détriment de la valorisation du travail, des salariés et de l'activité industrielle. Pour 2011, 37 milliards d'euros de dividendes seront versés aux actionnaires par les entreprises du CAC 40 [...]
Ce qui est grave, c'est que l'industrie automobile française supprime massivement des emplois, ici, pour en créer en nombre, ailleurs dans le monde, là où la main-d'œuvre est bon marché [...]
Faut-il le rappeler, pour faire face à la crise, contrairement à nombre de nos concitoyens, Renault et PSA ont bénéficié d'un prêt bonifié de 6 milliards d'euros, censé se substituer aux défaillances du système bancaire et leur permettre de développer des « solutions d'avenir » [...]
La stratégie « produire plus avec moins de salariés », nous n'en voulons pas ! La généralisation du lean manufacturing, méthode par laquelle la flexibilité de la production est compensée par une grande rigidité du travail pour les salariés, est un véritable recul en termes de conditions de travail.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais dire un mot sur les dernières déclarations de M. Sarkozy. Encore une fois, la droite accompagne les grands groupes dans leur optimisation des marges ; parfois même, elle s'en inspire.
Le Président de la République a ainsi demandé aux partenaires sociaux d'entamer des négociations, pour aboutir à des « accords compétitivité-emploi ».
Or, dès 2008, chez Peugeot Motocycles, 1 100 salariés ont accepté de faire des sacrifices pour sauver leurs emplois. Et pour quel résultat ? En 2012, ils ne seront plus que 530 sur les sites concernés, ceux de Mandeure et Dannemarie...
Sachez que ces salariés, pour sauver leurs emplois et leur entreprise, ont accepté de renoncer aux 35 heures, abandonné la moitié de leur RTT et accepté la suppression, sans compensation, des pauses pendant leur temps de travail ! Les effectifs ont néanmoins été réduits d'un quart [...]
De plus, le Président de la République considère, à l'instar des dirigeants des groupes, que le travail coûte trop. Cela dépend pour qui ! M. Varin, patron de PSA, a en effet multiplié sa rémunération par quatre en 2010 : il s'attribue, chaque jour, 8 907 euros, tandis qu'un ouvrier qui débute dans ses usines, en travaillant de jour, ne touche même pas le SMIC !
Mes chers collègues, la France ne manque pas de compétitivité ; elle manque d'une véritable politique industrielle et d'une volonté politique pour s'attaquer à la domination de l'argent. Or, visiblement, le Gouvernement n'a pas fait ce choix. En revanche, notre priorité est claire : c'est l'humain qui prime.