Retarder la création de vingt nouveaux CEF ?

  • [AU SENAT] Séance du 24 novembre 2011 : examen des crédits de la mission Justice. Extrait des propos tenus par Nicolas Alfonsi sur la PJJ et les CEFs
M. Nicolas Alfonsi : Sans doute, pour la première fois depuis 2008, les crédits alloués à la PJJ augmenteront de 4,6 % en autorisations d'engagement et de 2 % en crédits de paiement. La PJJ disposera ainsi de près de 793 millions d'euros en autorisations d'engagement et de près de 773 millions d'euros en crédits de paiement.

Toutefois, ces crédits supplémentaires seront consacrés à l'ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés, ou CEF, au détriment des autres structures.

Parallèlement, le plafond d'emplois alloué à la PJJ diminuera – M. le rapporteur spécial l'a rappelé – de 106 équivalents temps plein travaillé.

Ce budget déséquilibré inquiète la commission des lois. Je souhaite vous faire part de ses craintes, mes chers collègues.

Depuis 2002, une priorité a été accordée à la prise en charge des mineurs multiréitérants ou multirécidivistes par les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs [...]

Toutefois, la multiplication des CEF ne peut être la seule solution pour lutter contre la récidive. Tout d'abord, ces prises en charge coûtent très cher : en 2012, environ 11 % du budget de la PJJ sera consacré aux CEF.

Or, face aux diminutions de crédits décidées depuis trois ans et à l'augmentation du nombre de mineurs confiés à la PJJ, cette priorité se fait au détriment des services de milieu ouvert et des structures d'hébergement traditionnelles.


D'ores et déjà, le nombre de mineurs par éducateur dépasse la cible fixée : vingt-cinq jeunes par éducateur maximum. En outre, dans certaines régions, les délais d'exécution des décisions de justice sont très longs et favorisent la récidive.

Une vingtaine de foyers ont par ailleurs fermé depuis 2008. Le secteur associatif est soumis à de fortes pressions, et plusieurs associations se trouvent actuellement dans de graves difficultés financières, qui viennent d'être évoquées.

Je profite de cette intervention pour rendre hommage aux éducateurs, ainsi qu'aux personnels de la PJJ et des associations qui exercent dans des conditions souvent difficiles des métiers particulièrement ingrats.

À cet égard, le projet du Gouvernement de créer vingt nouveaux CEF à partir de la transformation d'unités d'hébergement existantes ne peut qu'aggraver cette tendance. En effet, une telle orientation risque d'appauvrir la palette des réponses ouvertes aux juges des enfants, au détriment de l'ensemble des mineurs concernés.

D'une part, les foyers traditionnels offrent un mode de prise en charge adapté à certains mineurs délinquants moins difficiles que ceux qui sont placés en CEF. D'autre part, un placement en CEF – ou une détention – ne peut être qu'une étape dans le parcours du jeune, qui doit pouvoir bénéficier d'un suivi éducatif à sa sortie, dans un foyer ou dans un service de milieu ouvert. Or nous savons qu'il faut absolument éviter les sorties sèches de détention ou de centre éducatif fermé pour ne pas favoriser la réitération.

En outre, les événements récents montrent l'importance qu'il y a pour le juge de disposer d'évaluations complètes et pluridisciplinaires sur la personnalité du jeune pour déterminer la meilleure solution de prise en charge. Or les services chargés des mesures d'investigation sont, eux aussi, affectés par les diminutions de crédits que je viens de mentionner, notamment dans le secteur associatif.

Voilà autant de motifs qui ont conduit la commission des lois à demander au Gouvernement de différer la mise en œuvre du programme de création de vingt nouveaux CEF tant que les conditions budgétaires imposées à la PJJ ne lui permettront pas de garantir que l'ensemble des décisions des juges des enfants sont exécutées dans des conditions satisfaisantes.

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