Déclaration de patrimoine et réserve ministérielle...

[A L’ASSEMBLÉE] : séance du1er Décembre 2012. René Dosière revient sur deux aspects "sensibles" de la Présidence de la République...

...EXTRAIT...

M. René Dosière : Ma première observation a trait à la déclaration de patrimoine du Président de la République. Si les déclarations de patrimoine des responsables politiques sont confidentielles, celle du Président de la République est la seule à être rendue publique. Mais contrairement à celle des députés, qui est vérifiée par une commission, celle du Président de la République n’est vérifiée par personne. Le Conseil constitutionnel la reçoit, mais se borne à jouer le rôle de simple facteur : il la transmet au Journal Officiel qui la publie.

Quelles sont les conséquences de cet état de fait ? Prenons le cas des deux déclarations de patrimoine, initiale et terminale, de Jacques Chirac, à l’issue de ses douze ans de présidence pendant lesquels il a été logé et nourri aux frais de la République, comme cela était la tradition à l’époque. Pendant ces douze ans, le Président de la République a touché environ 3 millions d’euros. Dans la mesure où il n’a pas eu de dépenses à effectuer, on pourrait penser que sa déclaration de patrimoine ferait apparaître l’usage qu’il a fait de ces 3 millions d’euros de revenu, pour s’acheter un appartement, par exemple, ou toute autre chose. Or il se trouve que la déclaration terminale de patrimoine de Jacques Chirac est pratiquement équivalente à sa déclaration initiale : elle ne fait apparaître aucun enrichissement n’apparaît, on observe même une petite diminution de son patrimoine.

M. François de Rugy : C’est incroyable !


M. René Dosière : Qu’a-t-il fait des 3 millions d’euros de traitement qu’il a touchés ? Ce n’est pas logique. Une des deux déclarations doit être inexacte.

Prenons maintenant le cas de son successeur. L’actuel président a fait une déclaration de patrimoine commune avec son épouse à son arrivée à l’Élysée. En fin de présidence, il sera amené à en faire une seconde. Comment pourra-t-on comparer les deux déclarations alors que sa situation personnelle aura changé ? Il a fait sa déclaration initiale en commun avec son épouse…

M. Yves Cochet. Laquelle ?

M. René Dosière. Sa déclaration terminale n’aura plus rien à voir, puisque sa situation matrimoniale a changé. Autrement dit, la déclaration de patrimoine en fin de mandat n’a aucune utilité s’il n’est pas possible de la comparer à la déclaration initiale.

C’est pourquoi j’avais proposé que si la situation personnelle du Président de la République changeait, il fasse à tout le moins une nouvelle déclaration de patrimoine, mais la majorité s’en était offusqué. En l’état actuel, la déclaration de patrimoine du Président de la République ne sert à rien ; peut-être vaut-il mieux éviter d’en faire une et de la publier plutôt que de laisser croire au citoyen que cela pourrait servir à quelque chose.

Ma deuxième observation, qui n’est pas traitée par la proposition de loi, a trait à la modification de nature presque constitutionnelle qui a été exercée par le Président de la République lorsqu’il a créé, en quelque sorte, un budget annexe à la Président de la République en décidant d’utiliser la réserve ministérielle du ministère de l’intérieur. Aujourd’hui, c’est le Président de la République qui attribue aux élus locaux les diverses subventions d’intérêt local diverses que le ministre de l’intérieur gère habituellement, soit 20 millions d’euros dans le budget de 2012.

M. Yves Cochet : C’est très choquant !

M. René Dosière : Le Président de la République n’a pas à gérer les crédits du ministère de l’intérieur. Nous sommes en pleine dérive constitutionnelle. Le Président de la République a son propre budget, il n’a pas à aller utiliser le budget des différents ministères.

Voilà aussi un point qu’il serait utile de régler pour éviter des dérives. Il vaut d’ailleurs mieux essayer de le traiter à froid, à plus forte raison depuis que la multiplication des voyages du Président de la République,…

M. Christophe Caresche : Des voyages électoraux !

M. René Dosière : …dont le rythme a doublé, qui lui permet naturellement d’utiliser encore plus largement la réserve du ministère de l’intérieur pour distribuer un certain nombre de subventions.

Voilà deux aspects, certes annexes, mais qu’il est bon d’avoir en tête lorsqu’on examine la situation du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Abonnez-vous !