Secret médical et fiscal : l'un touche à l'intime, l'autre au coffre fort

Le fisc français réclame près de 108 millions d'euros d'impôts impayés à l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt, placée sous tutelle de sa fille en octobre. Cette démarche du fisc a été déclenchée après la découverte de comptes occultes à l'étranger et d'une île des Seychelles achetée clandestinement. Plusieurs titres de presse ont détaillé cet aspect de l'affaire qui vise la troisième fortune de France, bénéficiaire jusqu'ici du très controversé «bouclier fiscal».

[A L’ASSEMBLÉE] : Extrait de la séance du mercredi 14 décembre 2011

M. Jean-Pierre Brard : Madame la ministre, je suis très étonné que vous vous borniez à dire « favorable ». C’est comme ces gens qui ont des habitudes et à qui il manque parfois, lorsqu’on veut les emmener devant de nouveaux horizons, la curiosité pour mesurer ce qu’on leur offre. Par habitude, ils reviennent à leurs premières amours – dans votre cas particulier, l’amour des privilégiés. (Sourires.)
Au mois de juillet dernier, le Gouvernement a procédé, on s’en souvient, à un tour de passe-passe : supprimer le bouclier fiscal, devenu un véritable boulet politique, sans nuire aux intérêts de ses bénéficiaires. Votre majorité a ainsi substitué au bouclier fiscal une mesure de réduction très sensible du rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune, en en modifiant le seuil et le taux.

[ ... ] J’en profite d’ailleurs, madame la ministre, pour vous poser pour la vingt-neuvième fois la même question, à laquelle vous n’avez pas répondu pour l’instant, alors que cela éclairerait les gens qui nous regardent : est-il vrai que Mme Bettencourt paye cette année 42 millions d’impôts, sans compter les redressements fiscaux en cours, et que, l’année prochaine, elle ne paiera plus que 10 millions ?

[ ... ]Je n’ai toujours pas de réponse à ma question… Depuis que je suis parlementaire, je n’ai jamais posé une question avec autant d’assiduité et de persévérance. Jamais je n’ai été confronté à un membre du Gouvernement qui fasse preuve d’autant d’entêtement pour ne pas répondre. Le fait de ne pas avoir de réponse à ma vingt-neuvième interrogation m’obligera incontestablement à poser la question une trentième fois !

Mme Valérie Pécresse, ministre : Je vais répondre à M. Brard ce que tous mes successeurs lui répondront avec la même gentillesse, la même sérénité, et en même temps les mêmes principes fondamentaux de la République au cœur : le secret fiscal participe du respect de la vie privée. Le secret fiscal, c’est comme le secret médical : la ministre du budget n’a pas le droit de l’enfreindre.

M. Jean-Pierre Brard : Madame la ministre, pour comparer le secret fiscal au secret médical, passez-moi l’expression, il ne faut pas manquer d’air! Avec le secret médical, vous touchez à l’intime. Quand il s’agit du secret fiscal pour les plus riches, vous touchez au coffre-fort, ce que je ne mets pas dans le domaine de l’intime !

Vous avez commis un lapsus révélateur : au lieu de parler de vos prédécesseurs, vous avez parlé de vos successeurs.

[ ... ]Madame la ministre, faire la transparence sur ce sujet relève de la démocratie, et non de la préservation de la vie privée. Quand on possède 15 ou 17 milliards d’euros, ce n’est plus de l’ordre de la vie privée : cela veut dire qu’on a gagné ses sous sur le dos de ceux qui travaillent !

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