Accord de durban ou comment habiller un échec en succès...

Malgré la réalité du réchauffement global, confirmée par une accumulation de travaux scientifiques, la communauté internationale, divisée, s'avère impuissante à s'engager dans une feuille de route l'orientant vers une inflexion radicale à court terme de ses émissions de gaz à effet de serre...

[AU SENAT] : Extrait de la Séance du 15 Décembre 2011

Mme Laurence Rossignol : Madame la ministre de l'écologie, dès l'ouverture du sommet de Durban, les chances étaient bien minces de le voir déboucher sur une maîtrise du réchauffement climatique en deçà de deux degrés. Mais, à l'issue de ce sommet, les perspectives sont franchement alarmantes.

Les expertises des climatologues comme celles de l'Agence internationale de l'énergie pronostiquent que, si rien ne change, l'augmentation des émissions de CO2 se traduira par un accroissement des températures de plus de 3,5 degrés, ce qui aura, pour les pays africains, les pays insulaires et les peuples les plus pauvres, des conséquences fatales. Et même les pays les plus riches n'échapperont pas aux inondations, à la sécheresse, aux épisodes climatiques extrêmes.

À Durban, les pays les plus pollueurs se sont mis d'accord pour reporter à 2020 l'éventuelle mise en œuvre d'un nouvel instrument légal. Le « Fonds vert » n'est qu'une coquille vide et le protocole de Kyoto est en passe de devenir un symbole pour les seuls pays qui s'y accrochent encore.

Il reste que ce qui s'est passé à Durban n'est pas seulement l'échec d'une négociation internationale : c'est celui d'un modèle de développement productiviste, carboné et soumis au dogme du libre-échange.

Les émissions de CO2, ce sont bien sûr nos émissions domestiques, nos modes de vie, mais c'est aussi l'accroissement des distances entre les lieux de production et les lieux de consommation, autrement dit les délocalisations (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Claude Dilain applaudissent.), ainsi que la mutation des agricultures conduite sous la houlette des grands groupes agroalimentaires.

L'enlisement diplomatique n'est pas un accident : il est voulu par les grandes économies, qui cherchent à gagner du temps pour se préparer à dominer la compétition économique de demain. Ceux-là mêmes qui ont provoqué la crise financière spéculent aujourd'hui sur le futur de la planète !

Dans un tel contexte, il est indispensable de mobiliser nos concitoyens et de leur dire la vérité – pas celle du Président de la République, pour qui, depuis 2010, toutes ces histoires d'environnement « commencent à bien faire » ! – mais celle de l'indignation devant l'injustice et l'imprévoyance.

Je sais que les préoccupations de nos concitoyens sont largement plus tournées vers la crise et vers ce fameux triple A au prétexte duquel vous leur avez fait faire tant de sacrifices. Je pense surtout aux plus démunis d'entre eux, à qui l'on dit aujourd'hui que ces sacrifices n'ont probablement servi à rien, mais que, tout compte fait, ce n'est pas si grave…

Madame la ministre, vous rentrez de Durban. Nous y étions ensemble. Pensez-vous que la bonne méthode soit vraiment d'habiller un échec en succès pour essayer de faire croire à nos concitoyens qu'ils peuvent encore garder un peu d'espoir et limiter leur désespoir ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

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