"Panama" et "paradis fiscal" ont tous les deux un triple A...

Soucieux d'obtenir des commandes du Panama, la France seble se montrer très conciliant envers lui. Ainsi, l'Assemblée nationale a approuvé mardi une convention fiscale entre la France et le Panama, rejetée par le Sénat à majorité de gauche, et dont la ratification fera sortir le pays d'Amérique centrale de la liste des paradis fiscaux.

[A L’ASSEMBLÉE] : Extrait de la séance du 20 Décembre 2011.


M. Jean-Paul Lecoq : Monsieur le ministre, chers collègues, la présente convention franco-panaméenne qui vise à empêcher la double imposition, a pour objet, ni plus ni moins, que de légitimer le statut de paradis fiscal du Panama.

Nous sommes ici dans l’hypocrisie la plus totale, puisque le chef de l’État répète inlassablement que « les paradis fiscaux, c’est fini » et que les États non coopératifs seront « mis au ban », alors qu’il resserre en réalité les liens avec eux et offre des réductions d’impôt à ceux qui choisissent d’y domicilier leurs filiales et leurs capitaux.

Il faut pousser loin le cynisme pour voter ce texte, car en encourageant les défiscalisations, le Gouvernement et sa majorité contribuent à la détérioration des comptes publics.

[ ... ] D’une main, vous faites avaler les pires plans de rigueur aux salariés, mais de l’autre vous faites voter au pas de charge des conventions de défiscalisation pour que les spéculateurs puissent profiter des largesses de certains pays.

[ ... ] Pour les entreprises du CAC 40, il y a de l’argent à se faire au Panama, et cela n’a pas échappé au MEDEF [ ... ] On sait qu’Alstom a obtenu la ligne 1 du métro de Panama. On voit que ces milliards de dollars, malgré leur provenance douteuse, mettent l’eau à la bouche du patronat français [ ... ]

M. François Loncle : Je voudrais rappeler la chronologie. Le 4 novembre dernier, le Panama était considéré comme un État peu fiable par le Président de la République. M. Sarkozy déclarait en effet à Cannes : « Nous ne voulons plus de paradis fiscaux. Le message est très clair. Les pays qui demeurent des paradis fiscaux avec la dissimulation financière seront mis au ban de la communauté internationale. » Il précisait : « Antigua-et-Barbuda, la Barbade, le Botswana, Brunei, le Panama, les Seychelles, Trinité-et-Tobago, l’Uruguay et le Vanuatu ne se sont pas dotés d’un cadre juridique adapté à l’échange d’informations fiscales », ajoutant même : « la Suisse et le Liechtenstein ne sont pas encore qualifiés ».

Le 24 novembre, Mme Pécresse, ministre du budget, confirmait le jugement du chef de l’État.
[ ... ] Mais depuis, M. Sarkozy a reçu, les 17 et 18 novembre, son homologue Ricardo Martinelli. À l’issue de leur entretien à l’Élysée, le président panaméen a fait une déclaration sur laquelle j’appelle à nouveau, mes chers collègues, votre bienveillante attention : « Une fois que la France aura approuvé la convention fiscale, sans doute avant la fin de l’année, le gouvernement français retirera le Panama de la liste des pays fiscalement non coopérateurs. » M. Hugues Goisbault, ambassadeur de France au Panama, a publiquement confirmé cette appréciation le 25 novembre [ ... ]

M. Jérôme Cahuzac : Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Myard demandait, je crois, quelle mouche avait piqué les sénateurs de refuser la convention. Peut-être la même que celle que Nicolas Sarkozy avait rencontrée sur son chemin, au début du mois de novembre. …lorsqu’il a eu des mots très durs sur la coopération financière avec le Panama.

Peut-être la même qui, après avoir croisé Nicolas Sarkozy, avait heurté Mme Pécresse le 24 novembre, lorsqu’elle exposait toutes les raisons que la France aurait de refuser de ratifier cette convention.

Depuis, la mouche semble s’être égarée de ce coté-ci pour aller ailleurs car, entre le 24 novembre et le 1er décembre, il a manifestement été décidé que cette convention fiscale devait être ratifiée en urgence. C’est le processus auquel nous assistons.

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