Le Parlement a ratifié aujourd'hui, par un vote de l'Assemblée nationale, une convention fiscale entre la France et le Panama qui fera sortir le pays d'Amérique centrale de la liste des paradis fiscaux. Le Sénat à majorité de gauche avait de nouveau, plus tôt dans la journée, refusé de ratifier le texte, comme il l'avait fait précédemment, mais les députés ont le dernier mot.
[A L’ASSEMBLÉE] : Extrait de la Deuxième séance du mercredi 21 décembre 2011
M. Jean-Paul Lecoq. Il nous faut prendre conscience du désastreux signal que le Parlement français enverrait s’il ratifiait cette convention.Cela se traduirait par une accélération de la dérive de la finance internationale, car, en redorant son blason auprès des instances internationales, le Panama accroît, paradoxalement, son attrait comme plateforme de blanchiment. Une telle contradiction est symptomatique de l’irrationalité du système capitaliste. Sortir de la liste grise des États non coopératifs en matière fiscale, c’est s’assurer de devenir un véritable Éden de l’offshore. On marche sur la tête ![ ... ]Les agences de notation décernent aujourd’hui des « triples A » en veux-tu en voilà à cet État peu scrupuleux. Depuis sa sortie des listes grises, il est considéré comme un bon élève ! On croit rêver, surtout quand on sait que c’est précisément la convention dont nous débattons qui a permis au Panama de sortir de la liste grise des États non coopératifs de l’OCDE. Cette organisation s’est appuyée sur la présente convention pour considérer que le Panama pouvait sortir de sa liste grise tandis que vous vous appuyez ici, pour défendre cette convention, sur le fait que l’OCDE a pris la décision de sortir le Panama de sa liste !C’est le serpent qui se mord la queue ou l’histoire de la poule et de l’œuf : qui est arrivé le premier ? C’est Lecoq qui vous pose la question ! (Sourires.)Nous considérons que le Panama est toujours un paradis fiscal et nous le réaffirmons. Comme les débats au Sénat l’ont montré, ce pays n’a en réalité nullement renoncé à son système opaque. Comment le pourrait-il alors qu’il est, depuis des décennies, la base arrière financière des États-Unis, qui en font et défont les gouvernements ?
Chers collègues, personne n'est dupe au Panama, et les cabinets privés conseillent à leurs clients spéculateurs de domicilier leurs capitaux dans ce paradis fiscal. Chacun sait qu'aucun effort n'a été fourni en matière de lutte contre l'argent sale. Le gouvernement panaméen n'a pas accepté le moindre progrès concernant le secret bancaire et la traçabilité des fonds, je l’ai démontré dans mes interventions précédentes.De plus, cette convention supprime la double imposition, comme si notre préoccupation actuelle devait être de réduire encore les rentrées fiscales. Ce n’est pas l’heure. Ce n’est pas le jour. Ce n’est pas l’année.Dans un tel contexte, adopter cette convention reviendrait à donner quitus aux pratiques, pourtant loin d'être vertueuses, de l'actuelle administration panaméenne. Ce serait aussi donner une sorte de sauf-conduit aux multinationales qui profitent des largesses d'un État hors-la-loi. Le patronat français veut évidemment sa part du gâteau panaméen, et vous lui obéissez au pas de charge, monsieur le secrétaire d’État. Le gouvernement français est coupable d'une tolérance impressionnante envers les filiales qui opèrent dans les paradis fiscaux ainsi qu'envers les fraudeurs du fisc. Il faut dire que ceux qui bénéficient de ces complicités font parfois partie des grands donateurs de l’UMP ! (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
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